Rêverie nocturne lors d’une déambulation poétique et méditative dans Paris.
« Paris est ma table de travail ». (Laurent Gaudé)

« C’est à cause que tout doit finir que tout est si beau« . Charles Ferdinand Ramuz
Après avoir été interpellé par un inconnu « Qui es-tu toi ? » sur le parvis de la gare Montparnasse, l’homme qui déambule en pleine nuit, dans cette ville de Paris, c’est Laurent Gaudé et « le » Paris de Laurent Gaudé qu’il affectionne tant. Il nous invite à parcourir à ses côtés les rues, les quartiers en partant à la rencontre de personnages illustres ou pas, à travers l’Histoire de Paris d’hier et d’aujourd’hui. Il pense aux soldats français de la Seconde Guerre Mondiale, aux résistants, aux hommes de Leclerc, tués lors de la libération de Paris le 25 août 1944, pour lesquels une plaque est érigée. Il marche dans les pas de son père qui a arpenté ces rues, il pense à tous ceux qui ont fait l’Histoire de Thiers, à Villon, à Louise Michel, Victor Hugo…
« Venez ! Venez ! Je ne peux plus m’économiser. Mon esprit s’échauffe. Il faudrait mille bouches pour tout dire. Qu’espérait l’ombre ? Que tout le passé revive ? Cela ne se peut pas. J’entends encore au loin les derniers assauts contre Montmartre. Louise Michel injurie les soldats qui ont été chercher sa mère pour qu’elle se rende. Le Bataclan gémit. Il a été transformé en hôpital et les communards y meurent dans une écœurante odeur d’éther. A la Butte aux Cailles, les munitions commencent à manquer. Il faudrait tout dire, de chaque rue, de chaque carrefour. Ceux qui sont passés par là, en courant, ont laissé des traces et moi, en cette nuit étrange, je le sens. Oh vertige… A moins que Paris ne sache plus. Oui, c’est peut-être cela.. J’ai cru que la ville faisait remonter ses souvenirs, mais ignore-t-elle ce qu’elle porte. Tout est pêle-mêle, sans ordre, et elle est prise de vertige devant tant de vies. Elle vacille. Alors je vais vers celle qui m’appelle non pas avec la voix la plus forte mais avec la fêlure la plus étrange. Regarde, Paris, ce que tu n’as pas vu. (P47)
Comme d’habitude, c’est dans une langue sublime que Laurent Gaudé nous offre ces 96 pages. Un récit, une rêverie qu’on aimerait encore poursuivre à ses côtés, sur des centaines de pages.
Quatrième de couverture : « Guidé par une ombre errante, l’écrivain-narrateur déambule de nuit dans un Paris étrangement vide, se remémorant des scènes proches ou lointaines, des existences anonymes ou fameuses, des personnalités tutélaires (Villon, Hugo, Artaud..). Mille vies l’ont précédé dans cette ville qui l’a vu naître et mettre au monde lui-même tant de personnages. Un récit sur la présence des absents, qui mêle l’autofiction au fantastique pour esquisser un art poétique. »
LIBRAIRIE DOUCET LE MANS/M. Christine
Laurent Gaudé, né en 1972, a reçu en 2002 le prix Goncourt des lycéens, prix des libraires pour » La Mort du Roi Tsongor« , le prix Goncourt en 2004 pour «Le Soleil des Scorta». Romancier, nouvelliste et dramaturge, il construit une œuvre protéiforme, d’Eldorado (2006) au long poème épique « Nous, l’Europe, banquet des peuples (2019), entièrement parue chez Actes Sud.
Paris, mille vies – 96 pages – parution 04/10/2023


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