D’où l’importance de lire « L’œuvre » !

« Un texte sur le pouvoir émancipateur de la littérature, qui est aussi un pouvoir de consolation et de réconciliation avec la vie.
Toute mon adolescence, j’ai entendu parler des personnages d’ « À la recherche du temps perdu », persuadée qu’ils étaient des cousins que je n’avais pas encore rencontrés. À la maison, les répliques de Charlus, les vacheries de la duchesse de Guermantes se confondaient avec les bons mots entendus à table, sans solution de continuité entre fiction et réalité. Car le monde révolu où j’ai grandi était encore celui de Proust, qui avait connu mes arrière-grands-parents et dont les noms figurent dans son roman.
J’ai fini, vers l’âge de vingt ans, par lire la Recherche. Et là, ma vie a changé. Proust savait mieux que moi ce que je traversais. il me montrait à quel point l’aristocratie est un univers de formes vides. Avant même ma rupture avec ma propre famille, il m’offrait une méditation sur l’exil intérieur vécu par celles et ceux qui s’écartent des normes sociales et sexuelles.
Proust ne m’a pas seulement décillée sur mon milieu d’origine. Il m’a constituée comme sujet, lectrice active de ma propre vie, en me révélant le pouvoir d’émancipation de la littérature, qui est aussi un pouvoir de consolation et de réconciliation avec le Temps. »
Extrait : « Maurice Sachs, en faisant ses conférences sur « A la Recherche du temps perdu » en Amérique, en avait bien flairé le proustige. » « Est-il nécessaire de le préciser ? Je ne m’arroge en rien le prestige de Proust parce qu’il aurait décrit le monde où je suis née, mais je loue sa magie à m’en avoir sortie, en authentique proustidigitateur. » (L.M)
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Un témoignage bouleversant, une analyse tout en finesse avec beaucoup d’élégance que nous offre Laure Murat revisitant sa propre histoire et celle de l’œuvre de Marcel Proust. Les aïeux de l’auteure ont connu Proust dont certains ont servi de modèle aux personnages de la Recherche. L’auteure ajoute qu’en lisant Proust, cela lui a changé la vie, cette littérature lui a permis de se libérer, lui a aidé à y voir plus clair, de garder ses distances avec les siens et enfin, dévoiler son homosexualité.
Nul besoin d’avoir lu tout Proust pour s’emparer de ce livre où Laure Murat mêle avec humour, de nombreux souvenirs d’enfance et un très beau portrait de son père. Quelques passages très drôles (p. 40) en rapport avec son titre de princesse, une histoire de souliers rouges lors d’une soirée (p. 100), sur les relations familiales et ce déjeuner en compagnie de sa mère (p. 126/127) ou encore (p. 188) lorsqu’une amie américaine, lors d’une exposition, se trouve devant un tableau représentant Marat ! Un livre très agréable à lire qui peut donner envie de lire ou relire Proust !.
LIBRAIRIE DOUCET LE MANS/M-Christine
Laure Murat a laissé un très bon souvenir lorsqu’elle publia « Passage de l’Odéon » (en 2003) retraçant la vie littéraire de l’entre-deux-guerres, à travers les personnages de deux libraires, Adrienne Monnier et Sylvia Beach. Ensuite, « La Maison du docteur Blanche » (prix Goncourt de la biographie) (Lattès, 2001) -d’ « Une révolution sexuelle ?« (Stock, 2018), – « Qui annule quoi ? « (Seuil, 2022). Elle écrit depuis des années sur l’œuvre de Marcel Proust et a contribué aux catalogues des expositions du musée Carnavalet et de la Bibliothèque nationale de France en 2022.
Laure Murat, de noblesse d’Empire (côté paternel) est une lointaine descendante du prince Murat, officier de Napoléon nommé roi de Naples, et de noblesse d’Ancien Régime (côté maternel), par le duc de Luynes. Elle enseigne dans le cadre du département d’études françaises et francophones de l’université UCLA à Los Angeles, au terme d’un parcours atypique.
PROUST, ROMAN FAMILIAL – 256 pages – prix : 20 € – (parution : 24/08/23)
Ce que dit la presse : Ce que rappelle avec force ce livre, c’est le formidable pouvoir émancipateur de la littérature. » Elisabeth Philippe, L’Obs – « Erudit, réjouissant, euphorisant » Nathalie Crom, Télérama – « Un des meilleurs livres qu’on puisse rêver sur Proust » Tiphaine Samoyault, Le Monde des livres – « Éblouissant ? » Jérôme Garcin, Le Masque et la plume. Prix Médicis essai 2023


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