Le grand-père et sa petite fille

Après « Olga » (paru en 2019) puis le « Liseur » (en 1996) véritable best-seller, adapté au cinéma en 2008, Bernhard Schlink nous dépeint cette fois-ci, à travers « La petite- fille » un roman passionnant, sur la situation politique et sociale de l’Allemagne, post-seconde guerre mondiale, au moment de la réunification entre RDA et RFA. Le roman se compose de trois parties :

– 1) le vécu de Kaspar, personnage central, sa période étudiante en Allemagne de l’Est où il rencontrera Birgit, devenue sa femme, l’installation dans sa libraire à Berlin Ouest -2) la découverte d’un pan inconnu de la vie de son épouse qu’elle avait cachée, après son passage réussi, mais de façon illégale de l’Est à l’Ouest en 1965, lorsqu’en rentrant de sa librairie, il la retrouve morte dans la baignoire -3) Puis, le rôle de ce grand-père (adoptif) qui, après quelques recherches dans l’ordinateur de sa femme (un livre était en cours de rédaction) découvre qu’elle avait abandonné un bébé à la naissance. Kaspar part donc à la recherche de cette belle-fille par alliance, Senja (la fille de sa femme, abandonnée en Allemagne de l’Est) et de sa « belle » petite-fille (Sigrund) qu’il retrouvera, vivant sous l’emprise de parents néo-nazis, élevée au sein d’un mouvement Völkish, pétrie de convictions négationnistes, contestant l’Holocauste, et rejetant toute vérité à propos des camps de concentration. Elle vénère Hitler, est fière d’avoir pour héros « Rudolf Heß », bras droit d’Hitler, « Irma Grese » servant dans la SS, tortionnaire d’Auschwitz ou héroïse Friedericke Krüger du parti nazi. Très surpris de voir sa petite-fille encore revêtue du traditionnel dirndl lors de fêtes scolaires, ou de la Julfest (leur fête de Noël), de voir qu’en cuisine on utilise même des emporte-pièces, en forme de croix gammée, pour la pâtisserie !.

Peu à peu, à force de patience, d’écoute, de subtilité, ce libraire, grand-père cultivé, réussira t-il à apprivoiser cette jeune fille de 14 ans ? L ‘occasion pour lui, lors de quelques séjours, en compagnie de sa petite-fille de cœur, de partir à la découverte d’autres horizons ! Kaspar, plein de bonté et de compassion espère lui ouvrir l’esprit, mais Sigrund réussira-t-elle à porter un autre regard sur ce monde qui l’entoure ?. Elle aura accès à de nouvelles lectures, aux livres, à la librairie de Kaspar, à l’art par des visites aux musées, à l’amour de la musique, en écoutant des disques le soir avec son grand-père qui lui offre quelques concerts, et des cours de piano, –car elle excelle en cette discipline-, en jouant ensemble aux échecs…

Grâce à ce grand-père pacifiste, toujours à l’écoute, jamais bien loin, se faisant discret, voire même en retrait, sans jamais chercher à imposer ses idées, toutes ces propositions les rapprocheront assurément, permettront à Sigrund de conquérir un peu de liberté et d’autonomie, lui donneront surtout les moyens de réfléchir par elle-même, pour échapper espérons-le, à cet embrigadement.

Librairie DOUCET LE MANS– M. Christine

Bernhard Schlink, né en 1944 près de Bielefeld, est juriste. Il est l’auteur de nouvelles et de romans traduits dans le monde entier, et du succès international « Le liseur » (1996) adapté au cinéma par Stephen Daldry. Toute son œuvre est publiée aux Éditions Gallimard, notamment « Amours en fuite » (2001) et « La femme sur l’escalier » (2016) – Olga (2019).

*Bernard Lortholary est traducteur littéraire de l’allemand. Auparavant maître de conférences à la Sorbonne et à l’Ecole normale supérieure, il a traduit et édité une centaine d’oeuvres modernes ou contemporaines, notamment de Goethe, Buckner, Enzensterger, Zweig.

La petite-fille – 331 pages – prix : 23 € – Traduction de l’allemand par Bernard Lortholary*.

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