Bel hommage à John Kipling et aux soldats britanniques tombés au champ de bataille.
« Les enfants ça ne doit pas mourir avant les parents ». Dans une société idéale, on ne devrait mourir que lorsqu’on a fini de vivre ».

« Tu seras un homme, mon fils » est un livre mi-roman, mi-biographie écrit par Pierre ASSOULINE. Ce titre fait référence au poème de Rudyard Kipling « If« , « Si » écrit en 1885 et publié en 1910, se terminant par le vers « Tu seras un homme, mon fils« . Rudyard Kipling. S’il est connu en France pour son œuvre : « Le Livre de la Jungle », Mowgli, « Kim » on ne sait presque rien du personnage. Alors, Pierre Assouline, dans un très beau texte, nous livre l’histoire de ce poème et de sa « rencontre » avec Rudyard Kipling, celle de son fils, John dont le père n’a jamais cessé, tout au long de son existence, de chercher à retrouver le corps de ce fils tué à l’âge de 17 ans et demi, disparu, sans laisser de trace, totalement volatilisé lors de la bataille de Loos-en-Gohelle, (Hauts de France) au cours de la guerre, en 1917.
Son fils n’aurait jamais dû partir au front, car il a été réformé dès 1914, par la Royal Navy, atteint d’une forte myopie, comme son père. C’était héréditaire. Être réformé en 1914, c’était la honte ! En tout cas, eux le vivait comme une honte. Un garçon de cet âge ne reste pas à la maison, quand tous ceux de cette génération partent à la guerre contre les allemands, la fleur au fusil !… Rudyard Kipling très renommé, grand poète, connu de l’empire britannique, avait un ami colonel dans un régiment irlandais. Grâce à l’appui de celui-ci, John tout de même écrasé par ce père qui avait formé de grands projets pour lui, fut intégré dans le 2ème bataillon des Irish Guards. Le fils n’a pas dit, non parce qu’il voulait pas déplaire à son père ! Au bout d’un an, dès qu’il est sorti de sa tranchée, il fut fauché, pulvérisé sous un déluge de mitrailles et son corps n’a jamais été retrouvé.
Pendant les premières années de sa disparition Rudyard Kipling est désespéré, traumatisé, plongé dans un déni total : « Non, son fils ne pouvait être mort ! Pour lui son fils John devait être fait prisonnier par les Allemands, il était peut-être dans un hôpital à se soigner…. Pour lui, tant que son corps n’était pas retrouvé, il ne pouvait être que disparu » ! Quand il se rend compte que plus rien n’est possible, il est obligé de s’interroger sur sa responsabilité et sa culpabilité. Comment retrouver le corps de John, quand on sait que des milliers de corps de soldats britanniques ont disparu, sans laisser la moindre trace ?.
Et là, Pierre Assouline dit très joliment : « Les enfants ça ne doit pas mourir avant les parents ». Dans une société idéale, on ne devrait mourir que lorsqu’on a fini de vivre ».
En lisant « Tu seras un homme, mon fils », ce livre bâti par Pierre Assouline est écrit pour mieux découvrir Rudyard Kipling et comprendre sa personnalité. Une belle biographie très documentée. Un livre très attachant, très prenant, une tragédie autour d’un fils auquel s’adresse « Tu seras un Homme mon fils », ce fils disparu dans les tranchées de la guerre de 1914.
SI…
Si tu peux garder ton calme quand tous autour de toi
Le perdent et te le reprochent,
Si tu peux avoir confiance en toi quand tous doutent de toi
Tout en tenant compte de leur scepticisme ;
Si tu peux attendre sans te décourager d’attendre.
Ou quand on te calomnie, ne pas calomnier à ton tour,
Ou quand on te hait, ne pas haïr en retour,
Et cependant n’aie pas l’air trop bon, ni ne parle trop en sage.
Si tu peux rêver – sans être l’esclave de tes rêves
Si tu peux penser – sans faire de tes pensées une fin
Si tu peux affronter Victoire et Défaite
Et traiter pareillement ces deux charlatans ;
Si tu peux tolérer d’entendre ta vérité
Tordue par des arnaqueurs pour piéger des crétins,
Ou voir s’effondrer l’œuvre de ta vie
Et te courber et la rebâtir de tes outils usés.
Si tu peux rassembler en un tas tous tes gains
Et risquer ton va-tout à pile ou face,
Et perdre, et repartir de zéro comme à tes débuts
Sans jamais souffler mot de ta perte ;
Si tu peux imposer à ton cœur et tes nerfs et tes tendons
De te servir longtemps fussent-ils à bout de force
Et ainsi de tenir bon quand toute énergie t’a déserté
Excepté la volonté qui leur dit : « Tenez bon ! »
Si tu peux t’adresser aux foules et garder ton intégrité,
Ou accompagner les rois – en sachant rester simple
Si les offenses de tes amis comme celles de tes ennemis ne peuvent t’atteindre,
Si chacun compte pour toi, mais aucun ne compte trop ;
Si tu peux remplir la minute inexorable,
De soixante secondes de chemin parcouru.
À toi la Terre appartient et tout ce qu’elle contient,
Et – mieux encore – tu seras un Homme, mon fils ! (Traduction Louis Lambert)
Pierre Assouline, journaliste et écrivain, membre de l’académie Goncourt, il a publié de nombreuses biographies qui vont de Camondo à Simenon, de Dassault à Cartier-Bresson. Il est l’auteur de onze romans parmi lesquels Lutetia, Sigmaringen, Retour à Séfarad.
LIBRAIRIE DOUCET LE MANS/M.Christine
Tu seras un homme, mon fils – folio poche : 336 pages – prix : 8.70 € (parution : 09/09/21) /grand format Gallimard –(parution 07/09/2020) – 390 pages – prix : 22.60 €