Les grands cerfs – Claudie Hunzinger – Éd. Grasset –

LES GRANDS CERFS  – Prix Décembre 2019

les grands cerfsBelle rencontre avec le Maître des Bois !cerfs

Claudie Hunzinger nous offre un récit magnifique sur les cervidés, ces grands cerfs, rois de la forêt, qu’elle entend rôder autour de chez elle et dont elle prend un plaisir fou à observer, aux Hautes Huttes, une vieille métairie perdue dans la montagne des Vosges alsaciennes.

« A l’approche, on se glisse dans les forêts, on avance, on dérange, on surprend, on fait fuir. A l’affût, on attend. » […] Arriver en avance. Choisir son poste. Se poser. Ne plus bouger. Attendre (p. 43)

Pamina, la narratrice vit dans la montagne avec son compagnon Nils et s’est liée d’amitié avec Léo, un photographe animalier. A leurs côtés nous irons à l’affût dans leur cabane. Nous allons apprendre à ramper par tous les temps,  sans se faire remarquer, à se dissimuler le plus possible avec une tenue de camouflage pour mieux observer ces bêtes majestueuses, à repérer qui sont « Geromini », « Apollon », « Pâris », « Merlin », « Arador », ou bien « Wow » que Dame Nature, la Reine de la forêt protège et héberge.

« C’était ça le but. Le but et le délice. Le délice de ne pas me sentir assignée à résidence dans le genre humain, mais de m’en affranchir pour m’élargir, m’augmenter dans une sorte de bond vers la nuit, y affronter un air si âpre que j’en tremblais » « Je découvrais à quel bord j’appartenais. A celui des proies. Étrangeté amplifiée par le genre qui m’incarnait, comme si depuis toujours le féminin et l’animal allaient ensemble, passionnément, dans le même qui-vive ». (p. 61)

Tous les mots de Claudie Hunzinger sont d’une telle justesse, d’une telle poésie qu’elle nous entraîne à contempler la beauté de la forêt, à côtoyer cette belle nature qui n’est pas toujours respectée, à la découvrir, à l’aimer, à reconnaître les plantes, à rencontrer une horde de 8, 10, 12 ou 18 cors… Pamina arrivant à se fondre dans la nature et même jusqu’à se mettre dans la peau d’un cerf ! : « C’était devenu une obsession. Contempler des cerfs. J’aurais aimé approcher leurs présences, connaître leurs pensées, pénétrer leurs méditations, dormir dans leurs yeux, écouter dans leur salive verdie du suc des herbes, frémir sous leur pelage, bondir dans leurs muscles, m’enfoncer profondément dans leurs sabots, dans leur fond d’expérience, parcourir le temps qui existe et le temps qui n’existe pas, nager dans les vapeurs brume aux parois de Lascaux, porter le poids de leur couronne, connaître une seconde, une seule, leur souveraineté, la mêler aux branches des forêts traversées, ne plus savoir si je suis cerf ou forêt en train de nager, de bondir. D’exister. » (p. 73).

Un livre pédagogique, un texte riche du vocabulaire de ce milieu animal qui nous est bien souvent étranger. Ainsi, Pamina va découvrir tant de choses : les biches, les chevreuils, les cerfs et le brame, les clans, la perte des bois, leur repousse, leur ramure, l’andouiller, le larmier, les traces, les odeurs etc..., les bruits, celui des fougères qui « craquent  sous les pas, comme de vieilles chips grises » ou le murmure d’un ruisseau…

Ce livre dénonce aussi l’extinction d’un monde par les mains de l’homme, la disparition des insectes et des oiseaux  : « En dix ans. Ça s’est passé en dix ans. Sous nos yeux. Et j’en ai pris conscience seulement cet été-là. En dix ans, quelque chose autour de nous, une invention, une variété de formes, une extravagance, une jubilation d’être qui s’accompagnait d’infinis coloris, de moirures, uniformisé, accessible aux foules et aux masses où les goûts se répandaient comme des virus. Et ce n’était pas un phénomène cloisonné, mais un saccage général ». (p.147)

La littérature accompagne aussi ce texte, car Nils, Pamina lisent :« De natura rerum » de Lucrèce à Francis Ponge, à « Blaise Cendrars » « London« , ou les romantiques allemands « Eichendorf « , « Novalis ».

Un hymne à la nature avec de magnifiques passages sur l’environnement, un roman-récit écologique écrit par une écrivaine amoureuse de la nature, cette nature  que nous avons la chance de pouvoir admirer, mais jusqu’à QUAND ? A NOUS d’ÊTRE VIGILANTS !

Selon votre position vous serez l’ONF, adjudicataire, chasseurs ou garde-forestier… Vous serez  Pamina qui va aussi apprendre à découvrir ce monde cruel ou bien Léo, le photographe qui ne sait peut-être pas ou plus de quel camp il fait partie…

Tout est poésie et pure beauté !

Librairie Doucet/M. Christine

Écrivain et plasticienne, Claudie Hunzinger est l’auteure de nombreux livres, dont, chez Grasset « Elles vivaient d’espoir » (2010) – « La Survivance » (2012) – « La langue des oiseaux » (2014) – « L’incandescente » (2016)

Les grands cerfs – 190 pages – prix : 17 €

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