IL EST REVENU LE TEMPS DES AMOURS !… (2)
« PREMIER AMOUR » PREMIER COUP DE FOUDRE de Vladimir !
« A présent que les ombres du soir commencent à envelopper ma vie, que me reste-t-il de plus frais et de plus cher que le souvenir de cet orage matinal, printanier et fugace. » (p. 348 – ch. 22)
« Sa beauté et sa vivacité constituaient un curieux mélange de malice et d’insouciance, d’artifice et d’ingénuité, de calme et d’agitation. Le moindre de ses gestes, ses paroles les plus insignifiantes dispensaient une grâce charmante et douce, alliée à une force originale et enjouée. Son visage changeant trahissait presque en même temps l’ironie, la gravité et la passion. Les sentiments les plus divers, aussi rapides et légers que l’ombre des nuages par un jour de soleil et de vent, passaient sans cesse dans ses yeux et sur ces lèvres ». (p. 296 – ch. 9)
Par ce récit partiellement autobiographique, par ces pages admirables, Ivan Tourgueniev nous dépeint les affres des premiers émois amoureux de l’adolescence. Il les visite à l’âge d’homme pour y découvrir qu’intact est l’amour d’antan. La tonalité qui habite ces lignes mélancoliques envoûte le lecteur. Vladimir aime Zénaïde. Elle aime ! C’est certain, cela se voit mais qui ? La jeune fille réunissant autour d’elle une cour de prétendants énamourés qu’elle fait tourner en bourrique ! Il imagine être l’élu lorsque Zénaïde s’approche de lui, sa poitrine se soulevant contre sa tête et ses mains frôlant sa joue, elle dépose un baiser… « Quel délice ! ses lèvres douces et fraîches couvrirent mon visage de baisers, effleurèrent mes lèvres.. » Cette dernière est aussi éprise du père de l’adolescent, un homme séduisant et charmeur auprès de qui elle monte régulièrement à cheval.
« Jamais je n’ai vu de cavalier comme mon père : il se tenait en selle avec tant de grâce désinvolte que l’on eût dit que le cheval lui-même s’en rendait compte et était fier de son maître ». (p. 341 – ch. 21)
Vladimir soupçonne quelque chose mais sans certitude, jusqu’au jour où…
«Quelle fille excitante que Zénaïde !», écrit Flaubert à Tourguéniev à propos de Premier amour. «C’est une de vos qualités de savoir inventer les femmes. Elles sont idéales et réelles. Elles ont l’attraction et l’auréole.» L’auréole de Zénaïde, le prototype de la jeune fille russe, capricieuse, insaisissable, irrésistible, le «premier amour» du narrateur (Tourguéniev lui-même) qui trouvera en son père un rival heureux.
Court roman ou longue nouvelle, très certainement autobiographique de 86 pages publié en France en 1833 dont Vladimir et Zénaïde sont les chefs, d’un orchestre étrange qui joue une partition où un curieux mélange de légèreté, de désir, de passion, de désespoir et d’exaltation s’entrecroisent.
« Premier Amour » est peut-être l’œuvre la plus connue de Tourgueniev, un texte d’une lecture simple et facile.
Une très belle écriture fine et subtile. A lire ou relire cet été !
LIBRAIRIE DOUCET LE MANS/M-Christine
« Premier Amour – Nid de gentilhomme » – 384 pages – prix 5.70 € – Préface de Françoise Flamant. (2007) – Traduction du russe de Françoise Flamant et Edith Scherrer – Editions Gallimard.
1818 : Naissance à Orel d’Ivan Tourguéniev, deuxième fils de Serge et de Barbe née Loutovinouv. Le père officier de la Garde prend sa retraite (1821). La famille s’installe dans la riche propriété de Spasskoié appartenant à la mère. Voyage familial en Europe. Les Tourguéniev s’installent à Moscou. Ivan T. y fait ses études secondaires comme externe dans des pensions privées puis avec des précepteurs à domicile. L’été 1833, il vit « son premier amour », il a 16 ans.