QUELLE HISTOIRE !
Avez-vous déjà entendu parler de l’Unité 731 ?
Sébastien de la librairie Doucet nous fait découvrir « L’homme qui mit fin à l’Histoire. »
CB : Dans quel monde est-on ?
SB : Ken Liu est un jeune auteur américain, auteur de science-fiction, traducteur, qui a le vent en poupe actuellement aux États-Unis. En France, il commence à être connu et a fait sensation avec « La Ménagerie de papier », un recueil de nouvelles. C’est de « L’homme qui mit fin à l’Histoire » dont je suis venu vous parler. Un de ses titres, très brillant, très intelligent et que j’ai beaucoup aimé et qui marque un lecteur. C’est un roman très court (une centaine de pages) aux Éditions Le Belial, éditeur de science-fiction dont on connaît le sérieux.
Nous suivons ici l’itinéraire de deux jeunes universitaires scientifiques américains. Elle (Evan) est d’origine japonaise, est mathématicienne. Lui (Akemi) d’origine chinoise, est historien. Evan a découvert le moyen de faire revivre à une personne, un instant « T » de l’Histoire sachant que l’instant ainsi revisité n’est plus du tout re-visitable par d’autres personnes. Le couple sino-japonais va vouloir faire revivre ainsi à des personnes d’origine chinoise l’occupation japonaise de la Chine du nord, à la fin des années 30.
Ce qui pose la question de l’interprétation et du sens à donner aux faits racontés, de la manière dont ils sont rapportés et de la réalité de ces faits, de la bonne foi des témoins.
CB : Cela pose la question du témoignage ?
SB : Exactement. Puisque les témoins vont revivre les moments-clés de cette histoire, leur histoire et celle de leurs descendants, histoires très brutales et très personnelles. Il est notamment fait état des atrocités commises par l’unité 731 en Mandchourie, unité de l’armée japonaise très tardivement reconnue par le gouvernement japonais. Nous suivrons ces gens qui viendront témoigner mais dont on ne pourra vérifier les témoignages. Il est question de géopolitique, de relations internationales entre la Chine et le Japon, entre la Chine et les Etats-Unis puisqu’il y a aussi derrière des enjeux commerciaux énormes.
CB : Peut-on faire un parallèle aujourd’hui, sur le plan international et sur les relations géopolitiques ?
SB : Là où on peut faire un parallèle, c’est vis-à-vis de la manière dont les historiens racontent l’Histoire. En début d’année, un livre qui s’appelle « L’Histoire Mondiale de la France » sous la direction de l’historien Patrick Boucheron a lancé un pavé dans la mare sur la manière de raconter l’Histoire en France, il bat en brèche le mythe du roman national à la française, c’est -à-dire la façon de raconter et de construire l’identité nationale de la France par son histoire. Cet ouvrage n’a pas vocation à « magnifier » l’histoire française mais à rendre compte de faits historiques vérifiés, non interprétés. Il y a clairement un parallèle avec le livre de Ken Liu, puisqu’il pose ces questions : qu’est-ce que l’Histoire ? Est-ce raconter où interpréter ? Qui raconte ? Quelles implications ce savoir a-t-il ?
CB : Quelqu’un qui n’a jamais lu de science-fiction peut-il se plonger quand même dans ce roman ?
SB : Oui, s’il a une petite appétence pour l’Histoire, car c’est un texte un peu difficile mais il est très court. Cela demande un peu de concentration.
Sébastien/M. Christine
Réécoutez Sébastien Balidas et Charlotte Bouniot en cliquant ici.
Ken Liu est né en 1976, à Lanzhou en Chine, avant d’émigrer aux Etats-Unis à l’âge de 11 ans. Titulaire d’un doctorat en droit (Harvard), programmeur, traducteur de chinois. Il a obtenu plusieurs prix littéraires dont le Hugo, le Nebula, le World Fantasy Award. En France, son recueil « La Ménagerie de papier » Le Bélial (2015) est lauréat du Grand Prix de l’Imaginaire 2016.
« L’homme qui mit fin à l’Histoire« – 120 pages – Prix : 8,90 €uros